QAnon est une théorie et une mouvance conspirationniste d'extrême droite1 venue des États-Unis, regroupant les promoteurs de théories du complot selon lesquelles une guerre secrète a lieu entre Donald Trump et des élites implantées dans le gouvernement (l'État profond ou Deep State), les milieux financiers et les médias, qui commettraient des crimes pédophilescannibales et sataniques. La mouvance se concentre autour des messages publiés sous le pseudonyme Q à partir d' sur le forum anonyme 4chan puis sur le forum anonyme 8kun. QAnon est communément considéré comme étant une secte et ses fondements sont fictifs.

Au sein du corpus de désinformation de QAnon, l'une des théories les plus sensationnelles serait que les élites, en particulier des vedettes d'Hollywood et des personnalités du Parti démocrate, sont coupables d'abus sur des enfants et en prennent du sang pour en extraire une substance qu'elles considéreraient comme une cure de jouvence, l’adrénochrome.

Des événements politiques américains sont détournés par QAnon, comme l'enquête du procureur spécial Robert Mueller sur la possibilité d'une collusion de la campagne et/ou de l'administration Trump avec la Russie : selon QAnon, cette enquête aurait été montée de toutes pièces par Trump qui aurait feint une telle collusion afin de permettre à Mueller de se joindre à lui pour mettre au jour une conspiration pédophile et prévenir un coup d'État par Barack ObamaHillary Clinton et George Soros.

À l'origine, QAnon était probablement un simple canular. En quelques années, le groupe est devenu un mouvement sectaire avec comme figures messianiques des personnalités comme Donald Trump mais aussi Boris Johnson. Selon un sondage du Public Religion Research Institute, relayé par le New York Times, en mai 2021 « 15 % des Américains estiment que les leviers du pouvoir sont contrôlés par une cabale d’adorateurs de Satan pédophiles ». Le QAnon a rapidement gagné en audience à cause de l’Internet Research Agency (IRA), une organisation russe de propagande et de désinformation qui a activement pris part à l’élection américaine de 2016 en favorisant le candidat Trump. En vue de manipuler l'opinion, l'IRA a massivement relayé sur les réseaux sociaux des contenus QAnon.

Dès , une note interne du FBI appelle à surveiller la mouvance comme source potentielle de terrorisme intérieur. Après la défaite électorale de Donald Trump en 2020, de nombreux partisans de la mouvance recommandent au président de « franchir le Rubicon » et de conserver le pouvoir en invoquant la loi martiale mais les mises à jours de Q baissent fortement. Les croyances QAnon deviennent en partie des tentatives de renverser le résultat des élections présidentielle américaines de 2020, culminant avec l'assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump, résultant en une nouvelle répression des contenus QAnon dans les réseaux sociaux.

Le « complot »

Le discours conspirationniste — diffusé principalement par des partisans de Trump et nombre de membres éminents du parti républicain — se désigne lui-même comme « la Tempête » (The Storm) ou « Le Grand Éveil » (The Great Awakening) — un vocabulaire emprunté aux concepts religieux du millénarisme et de l'Apocalypse —, ce qui lui donne les apparences d'un mouvement religieux en émergence. Ce discours a été décrit comme relevant d'« une conception paranoïaque du monde» et ses adhérents comme appartenant à une secte complotiste démente. Un observateur extérieur résume ainsi la thèse principale :

« Il existe une cabale mondiale de pédophiles adorateurs de Satan qui contrôlent le monde. Ils contrôlent les politiciens, ils contrôlent les médias. Ils contrôlent Hollywood. Et ils auraient continué à contrôler le monde s'il n'y avait pas eu l'élection du président Donald Trump. Maintenant, selon ce discours complotiste, Donald Trump est au courant des agissements de cette cabale. Et il a été élu pour mettre un terme à leurs agissements. Or, sans le travail de Q, nous ignorerions tout de cette bataille menée en coulisse par Donald Trump. »

Selon le congressiste Denver Riggleman, le credo fondamental de cette mouvance est que les démocrates sont des pédophiles. Les adeptes de QAnon croient aussi que, lors de l'arrivée de « la Tempête », l'armée américaine prendra le contrôle du pays et que des milliers de membres de la « Cabale » seront arrêtés et exécutés pour leurs crimes ou envoyés à Guantanamo, où ils seront jugés par des tribunaux militaires. Ainsi, Q serait la branche « communication » de ce projet de restructuration des États-Unis, contournant les médias traditionnels pour informer les initiés directement sur 8kun, tandis que Donald Trump informe le grand public de manière plus lente et progressive sur Twitter.

Selon le journaliste Jordan Weissmann du magazine Slate« ce qui est inquiétant dans QAnon, ce n'est pas qu'un groupe d'Américains croient à un complot ridicule, mais qu'ils s'attendent à ce que Donald Trump fasse arrêter l'ensemble de ses opposants31 ».

Origine, thèmes et méthode

Origine du nom

Dans la foulée du Pizzagate, une théorie du complot d'après laquelle il existe un réseau de pédophilie autour de John Podesta, alors directeur de campagne d'Hillary Clinton, un auteur anonyme du nom de Q a commencé, le , à publier des messages sur le forum anonyme américain 4chan. Il passe ensuite sur 8chan, et à la fermeture forcée de ce dernier site, s'établit sur la nouvelle version, 8kun, où il continue de publier à ce jour. Ses messages sont authentifiés, car un code unique (« tripcode ») est attribué aux participants qui le souhaitent.

Les messages anonymes sont présentés en format image jpg, ce qui leur donne un aspect lapidaire et rend difficile la copie de mots ou de phrases. Ils consistent en alertes sur un prétendu complot organisé par « l'État profond » contre le président Trump. Ces déclarations énigmatiques sont signées par un certain Q, lettre correspondant à un niveau d'habilitation défini par le Atomic Energy Act, géré par le ministère de l'Énergie des États-Unis, et adopté par le système de gestion des documents classés secrets d'État.

Quant au terme « QAnon », il est formé par la combinaison de la lettre « Q » et de l'abréviation du mot « Anonymous ». Le mot désignait d'abord l'auteur des prophéties, mais en est venu par métonymie à désigner également sa théorie du complot ainsi que la communauté qui en discute, quoique celle-ci soit aussi souvent désignée comme des « Anons » (pour « Anonymes »). L'identité et le statut réels de Q, supposé être un fonctionnaire — ou un groupe de fonctionnaires — haut placé, ne sont pas connus, mais font l'objet de spéculations chez les Anons qui veulent croire à son autorité.

Thèmes

Le premier message annonce l'extradition de HRC (Hillary Rodham Clinton) au cas où elle aurait quitté le pays. Dans un autre message, Q prétend que le président de la Corée du NordKim Jong-un, est une marionnette installée par la CIA.

Souvent, les messages de Q sont plus cryptiques et plus vagues, ce qui permet à ses sympathisants d'y retrouver leurs propres croyances. Les messages sont souvent écrits sous la forme de séries de questions énigmatiques, par lesquelles Q incite les Anons à faire leurs propres recherches :

« Who controls the narrative?
WHO wrote the singular censorship algorithm?
WHO deployed the algorithm?
WHO instructed them to deploy the algorithm?
SAME embed across multiple platforms.
Why?
Why is the timing relevant?
Where is @Snowden?
 »

Commentant les interminables discussions que des questions de ce genre ont engendrées chez les Anons, l'écrivain Walter Kirn estime que Q a parfaitement compris que « le public Internet ne veut pas lire mais écrire ; il ne veut pas des réponses mais des questions ; il veut être envoyé en mission ». Kirn n'exclut pas la possibilité que Q « soit installé à la Maison-Blanche afin d'informer les humbles geeks sur les intrigues mondiales [et] créer un filtre mental qui leur fera paraître les échecs de Trump comme des victoires, ses faux pas comme des coups aux échecs et ses caprices comme des plans ». Q vise d'ailleurs à éroder chez ses partisans toute possibilité de vérification factuelle en affirmant que « la désinformation est réelle et nécessaire».

Méthode

L'immense majorité des affirmations et prédictions de Q relèvent de la pure fabrication : par exemple, prétendre que Kim Jong-un est sous le contrôle de la CIA ou que des membres importants du Parti démocrate sont sous mandat d'arrêt et doivent porter un bracelet de surveillance électronique à la cheville. Toutefois, la fausseté des prédictions n'a pas empêché cette mouvance complotiste de rallier toujours plus de fidèles. Selon Tristan Mendès France, ses partisans mettent souvent en avant le feeling, l'intuition, le ressenti, ce qui leur permet de remettre en cause toute autorité et toute expertise — puisque la réalité correspond en fait à ce que l'on ressent — et ils créent ainsi « une sorte d'univers alternatif » dans lequel tout devient possible. Le mouvement devient ainsi, toujours selon T. Mendès France, « une espèce d'éponge à complotisme », sans que les personnes qui se réclament de QAnon partagent pour autant les mêmes croyances — hormis un petit noyau de thèses fondamentales, dont le complot autour d'un réseau pédophile et satanique, mentionné dans l'introduction. Il n'y a donc pas de réel corpus d'idées partagé par les QAnonistes, et donc « pas de limite aux théories complotistes qui peuvent être portées par cette mouvance ».

La brièveté et l'ambiguïté des messages ont aussi une dimension ludique, les Anons étant invités à résoudre des énigmes et à connecter ces miettes d'informations (« crumbs ») à des discours et à des tweets de Trump en recourant aux procédés habituels de l'interprétation allégorique : correspondance entre une lettre (Q) et un nombre (17), emploi d'un mot pour en désigner un autre — par exemple, (en)« cheese (is a codeword) for little girl » —, coïncidence de dates, etc.

Un créateur de jeux vidéo qui a suivi et analysé le fonctionnement de QAnon expose, avec nombre d'exemples à l'appui, la mécanique ludique qui a engendré le succès de cette mouvance complotiste : donner seulement des indices — (en) crumbs — en comptant sur le phénomène d'apophénie pour créer chez les adhérents un effet de découverte, discréditer les médias «officiels», développer un sentiment de communauté, endoctriner tout en insistant sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un jeu et que les dangers sont bien réels. D'autres auteurs ont souligné les caractéristiques ludiques de QAnon  et certains ont même suggéré que le groupe Cicada 3301 avait mis en place cette espèce de « jeu de réalité alternative » et de « jeu de rôle d'action en direct ».