COVID et extrĂȘme droite : quand Emmanuel Macron réécrit les faits
ARTICLE. En dĂ©placement Ă Fouras (Charente-Maritime), Emmanuel Macron sâest livrĂ© Ă une attaque en rĂšgle contre « lâextrĂȘme droite ». Ăvoquant la crise sanitaire, il sâest livrĂ© Ă une diatribe courte, mais remplie de fantasmes et de rĂ©ecritures des faits. Macron, en marche vers la post-vĂ©ritĂ© ?
COVID et extrĂȘme droite : quand Emmanuel Macron réécrit les faits
FĂ©brilitĂ© ? Agacement ? Manipulation volontaire des faits ? Mais quelle mouche a bien pu piquer le prĂ©sident de la RĂ©publique, hier en dĂ©placement Ă Fouras en Charente-Maritime ? Dans une sĂ©quence dâune vingtaine de secondes, diffusĂ©e sur la plateforme Twitter par le compte Macron 2022, on voit (et entend) le prĂ©sident, interpellĂ© par un passant, rĂ©pondre Ă son interlocuteur avec vĂ©hĂ©mence. Si lâextrĂȘme droite avait Ă©tĂ© au pouvoir Ă sa place, la France aurait-elle subi les dix plaies dâĂgypte ? Ă lâentendre, ce serait presque le cas. Un dĂ©cryptage sâimpose.
« Si lâextrĂȘme droite il y a cinq ans avait gagnĂ©, vous nâauriez pas eu de vaccin parce quâon serait sorti de lâEurope »
PremiĂšre affirmation et premiĂšre contre-vĂ©ritĂ©. Ă date du 29 mars 2022, la Suisse avait vaccinĂ© (deux doses) 70 % de sa population. La NorvĂšge, 74,9 %. Pourtant, ces deux nations ne font pas partie de lâUE et prĂ©sentent un taux de vaccination largement supĂ©rieur Ă celui de la Roumanie (40 %), pourtant membre de lâUE depuis 2007. Quant Ă la Croatie et Ă la SlovĂ©nie, les taux de vaccination ne sont que de respectivement 55,3 % et 58,1 %. Comme quoi, nâen dĂ©plaise Ă Macron, appartenir Ă lâEurope nâest pas gage dâun bon taux de vaccination.
Et ce nâest pas tout. Le Royaume-Uni a quittĂ© lâEurope en janvier 2021, comme envisageait de le faire Ă©galement le FN de 2017. Si lâon en croit Emmanuel Macron, le pays aurait dĂ» entrer dans une Ăšre sombre, sans accĂšs aux produits stratĂ©giques. Non seulement il nâen a rien Ă©tĂ©, mais en plus, libĂ©rĂ© des contraintes administratives et des lenteurs bruxelloises, le pays de Boris Johnson a connu la campagne de vaccination la plus rapide du continent europĂ©en en 2021. Fin mars de cette annĂ©e, au moins 45 % des Britanniques avaient reçu une dose. En France Ă la mĂȘme Ă©poque ? Environ trois fois moins, autour de 13 %. Emmanuel Macron oublie une chose pourtant assez simple : ĂȘtre en dehors de lâUnion europĂ©enne nâempĂȘche nullement de commercer avec elle.
« La France nâa pas produit de vaccin »
Une affirmation discutable et dont on ne voit pas bien dâailleurs en quoi elle joue en la faveur du candidat Macron. Ni lâinstitut Pasteur ni Sanofi nâont rĂ©ussi Ă crĂ©er un vaccin contre le Covid. Le pays de Pasteur a payĂ© â chĂšrement â le prix de son manque dâinvestissement dans la recherche. Une note du Conseil dâanalyse Ă©conomique datant de janvier 2021 expliquait quâentre 2011 et 2018 en France, les crĂ©dits publics en recherche et dĂ©veloppement dans le domaine de la santĂ© avaient baissĂ© de 3,5 Ă 2,5 milliards dâeuros. Emmanuel Macron porte donc une responsabilitĂ© notable dans ce dĂ©litement.
Mais quand bien mĂȘme : il y a eu un laboratoire français qui est restĂ© en course pour produire un vaccin : Valneva. Lâentreprise basĂ©e Ă Saint-Herblain (Loire-Atlantique) a annoncĂ© ce 31 mars ĂȘtre prĂȘte Ă distribuer son vaccin dĂšs avril. La France aurait pu investir dans sa pĂ©piniĂšre, mais ne lâa pas fait, pas plus que lâUE. Valneva a donc bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun financement de 353 millions dâeuros de la part⊠du Royaume-Uni.
« Si lâextrĂȘme droite il y a cinq ans avait gagnĂ©, vous auriez peut-ĂȘtre eu de lâhydroxychloroquine, puisque câĂ©tait les convictions du moment »
Avant de voir le consensus scientifique Ă©tablir que lâhydroxychloroquine nâavait pas les effets escomptĂ©s dans la lutte contre la maladie, un doute a longtemps persistĂ© sur les vertus thĂ©rapeutiques de ce mĂ©dicament. Lâhydroxychloroquine a longtemps Ă©tĂ© portĂ©e mĂ©diatiquement par le professeur Didier Raoult, alors Directeur de lâIHU MĂ©diterranĂ©e Infection, et de nombreuses personnalitĂ©s publiques nâĂ©taient alors pas insensibles Ă ses propos.
Ă tel point que le 9 avril 2020, un certain Emmanuel Macron â pourtant pas « dâextrĂȘme droite » â a rendu visite au cĂ©lĂšbre Ă©pidĂ©miologiste. Un moyen de profiter dâun Ă©moi mĂ©diatique Ă peu de frais. Le prĂ©sident sây est vu prĂ©senter les rĂ©sultats dâĂ©tudes montrant, selon Didier Raoult, lâefficacitĂ© de lâhydroxychloroquine. Si cette visite ne valait pas approbation, elle a de fait lĂ©gitimĂ© le professeur Raoult Ă lâĂ©poque, lequel Ă©tait Ă©galement en disussion avec Olivier VĂ©ran, ministre de la SantĂ©. Ă la mĂȘme Ă©poque, Marine Le Pen expliquait ĂȘtre en faveur de lâadministration de la chloroquine pour des symptĂŽmes « peu graves ». Si depuis, Didier Raoult est devenu persona non grata aux yeux du gouvernement, qui a bien vite retournĂ© sa veste, force est de constater que « les convictions du moment » Ă©taient plutĂŽt partagĂ©es et quâelles nâengageaient en rien le futur.
« Si lâextrĂȘme droite il y a cinq ans, avait gagnĂ©, vous auriez Ă©tĂ© vaccinĂ© en dĂ©cembre. Et ââdĂ©vaccinĂ©ââ en janvier. Parce que câĂ©tait les convictions »
Sur ce point, il est difficile de contre-analyser les propos du prĂ©sident tant ils nâont que peu de sens. Si des propos pro « dĂ©-vaccination » ont bien existĂ© dans le dĂ©bat public, ce fut tout Ă fait Ă la marge, dans le camp des complotistes les plus durs, qui ne sont en rien reprĂ©sentatifs de ce quâEmmanuel Macron se plaĂźt Ă qualifier dâ « extrĂȘme droite ». Il y a bien eu quelques vidĂ©os, virales, dâinfluenceurs, mais aucune nâa Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©e politiquement ni par Marine Le Pen, ni par Ăric Zemmour. Aucun des deux candidats nâa ainsi repris Ă son compte cette vidĂ©o de lâinfluenceur MickaĂ«l Vendetta, jadis inventeur du concept de la « bogossitude », qui prĂ©conisait lâutilisation dâun aspivenin en cas de vaccination contrainte.
« Câest ça la rĂ©alitĂ©, faut (sic) aussi le dire »
En terminant sa rĂ©ponse de la sorte, Emmanuel Macron insulte bien Ă©videmment des millions dâĂ©lecteurs â rappelons que ce nâest pas lĂ son coup dâessai. Mais il insulte surtout la vĂ©ritĂ©. En « faisant du Donald Trump », agitant des affirmations infondĂ©es, aux dĂ©pens de tout bon sens, Emmanuel Macron fait basculer sa campagne Ă©lectorale dans lâĂšre de la post-vĂ©ritĂ©. « Il est temps de se rĂ©veiller », clame le compte Twitter Macron2022 en complĂ©ment de cette vidĂ©o. Peut-ĂȘtre sâadressait-il non pas au lecteur, mais au prĂ©sident de la RĂ©publique ?
COVID et extrĂȘme droite : quand Emmanuel Macron réécrit les faits
ARTICLE. En dĂ©placement Ă Fouras (Charente-Maritime), Emmanuel Macron sâest livrĂ© Ă une attaque en rĂšgle contre « lâextrĂȘme droite ». Ăvoquant la crise sanitaire, il sâest livrĂ© Ă une diatribe courte, mais remplie de fantasmes et de rĂ©ecritures des faits. Macron, en marche vers la post-vĂ©ritĂ© ?
COVID et extrĂȘme droite : quand Emmanuel Macron réécrit les faits
FĂ©brilitĂ© ? Agacement ? Manipulation volontaire des faits ? Mais quelle mouche a bien pu piquer le prĂ©sident de la RĂ©publique, hier en dĂ©placement Ă Fouras en Charente-Maritime ? Dans une sĂ©quence dâune vingtaine de secondes, diffusĂ©e sur la plateforme Twitter par le compte Macron 2022, on voit (et entend) le prĂ©sident, interpellĂ© par un passant, rĂ©pondre Ă son interlocuteur avec vĂ©hĂ©mence. Si lâextrĂȘme droite avait Ă©tĂ© au pouvoir Ă sa place, la France aurait-elle subi les dix plaies dâĂgypte ? Ă lâentendre, ce serait presque le cas. Un dĂ©cryptage sâimpose.
« Si lâextrĂȘme droite il y a cinq ans avait gagnĂ©, vous nâauriez pas eu de vaccin parce quâon serait sorti de lâEurope »
PremiĂšre affirmation et premiĂšre contre-vĂ©ritĂ©. Ă date du 29 mars 2022, la Suisse avait vaccinĂ© (deux doses) 70 % de sa population. La NorvĂšge, 74,9 %. Pourtant, ces deux nations ne font pas partie de lâUE et prĂ©sentent un taux de vaccination largement supĂ©rieur Ă celui de la Roumanie (40 %), pourtant membre de lâUE depuis 2007. Quant Ă la Croatie et Ă la SlovĂ©nie, les taux de vaccination ne sont que de respectivement 55,3 % et 58,1 %. Comme quoi, nâen dĂ©plaise Ă Macron, appartenir Ă lâEurope nâest pas gage dâun bon taux de vaccination.
Et ce nâest pas tout. Le Royaume-Uni a quittĂ© lâEurope en janvier 2021, comme envisageait de le faire Ă©galement le FN de 2017. Si lâon en croit Emmanuel Macron, le pays aurait dĂ» entrer dans une Ăšre sombre, sans accĂšs aux produits stratĂ©giques. Non seulement il nâen a rien Ă©tĂ©, mais en plus, libĂ©rĂ© des contraintes administratives et des lenteurs bruxelloises, le pays de Boris Johnson a connu la campagne de vaccination la plus rapide du continent europĂ©en en 2021. Fin mars de cette annĂ©e, au moins 45 % des Britanniques avaient reçu une dose. En France Ă la mĂȘme Ă©poque ? Environ trois fois moins, autour de 13 %. Emmanuel Macron oublie une chose pourtant assez simple : ĂȘtre en dehors de lâUnion europĂ©enne nâempĂȘche nullement de commercer avec elle.
« La France nâa pas produit de vaccin »
Une affirmation discutable et dont on ne voit pas bien dâailleurs en quoi elle joue en la faveur du candidat Macron. Ni lâinstitut Pasteur ni Sanofi nâont rĂ©ussi Ă crĂ©er un vaccin contre le Covid. Le pays de Pasteur a payĂ© â chĂšrement â le prix de son manque dâinvestissement dans la recherche. Une note du Conseil dâanalyse Ă©conomique datant de janvier 2021 expliquait quâentre 2011 et 2018 en France, les crĂ©dits publics en recherche et dĂ©veloppement dans le domaine de la santĂ© avaient baissĂ© de 3,5 Ă 2,5 milliards dâeuros. Emmanuel Macron porte donc une responsabilitĂ© notable dans ce dĂ©litement.
Mais quand bien mĂȘme : il y a eu un laboratoire français qui est restĂ© en course pour produire un vaccin : Valneva. Lâentreprise basĂ©e Ă Saint-Herblain (Loire-Atlantique) a annoncĂ© ce 31 mars ĂȘtre prĂȘte Ă distribuer son vaccin dĂšs avril. La France aurait pu investir dans sa pĂ©piniĂšre, mais ne lâa pas fait, pas plus que lâUE. Valneva a donc bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun financement de 353 millions dâeuros de la part⊠du Royaume-Uni.
« Si lâextrĂȘme droite il y a cinq ans avait gagnĂ©, vous auriez peut-ĂȘtre eu de lâhydroxychloroquine, puisque câĂ©tait les convictions du moment »
Avant de voir le consensus scientifique Ă©tablir que lâhydroxychloroquine nâavait pas les effets escomptĂ©s dans la lutte contre la maladie, un doute a longtemps persistĂ© sur les vertus thĂ©rapeutiques de ce mĂ©dicament. Lâhydroxychloroquine a longtemps Ă©tĂ© portĂ©e mĂ©diatiquement par le professeur Didier Raoult, alors Directeur de lâIHU MĂ©diterranĂ©e Infection, et de nombreuses personnalitĂ©s publiques nâĂ©taient alors pas insensibles Ă ses propos.
Ă tel point que le 9 avril 2020, un certain Emmanuel Macron â pourtant pas « dâextrĂȘme droite » â a rendu visite au cĂ©lĂšbre Ă©pidĂ©miologiste. Un moyen de profiter dâun Ă©moi mĂ©diatique Ă peu de frais. Le prĂ©sident sây est vu prĂ©senter les rĂ©sultats dâĂ©tudes montrant, selon Didier Raoult, lâefficacitĂ© de lâhydroxychloroquine. Si cette visite ne valait pas approbation, elle a de fait lĂ©gitimĂ© le professeur Raoult Ă lâĂ©poque, lequel Ă©tait Ă©galement en disussion avec Olivier VĂ©ran, ministre de la SantĂ©. Ă la mĂȘme Ă©poque, Marine Le Pen expliquait ĂȘtre en faveur de lâadministration de la chloroquine pour des symptĂŽmes « peu graves ». Si depuis, Didier Raoult est devenu persona non grata aux yeux du gouvernement, qui a bien vite retournĂ© sa veste, force est de constater que « les convictions du moment » Ă©taient plutĂŽt partagĂ©es et quâelles nâengageaient en rien le futur.
« Si lâextrĂȘme droite il y a cinq ans, avait gagnĂ©, vous auriez Ă©tĂ© vaccinĂ© en dĂ©cembre. Et ââdĂ©vaccinĂ©ââ en janvier. Parce que câĂ©tait les convictions »
Sur ce point, il est difficile de contre-analyser les propos du prĂ©sident tant ils nâont que peu de sens. Si des propos pro « dĂ©-vaccination » ont bien existĂ© dans le dĂ©bat public, ce fut tout Ă fait Ă la marge, dans le camp des complotistes les plus durs, qui ne sont en rien reprĂ©sentatifs de ce quâEmmanuel Macron se plaĂźt Ă qualifier dâ « extrĂȘme droite ». Il y a bien eu quelques vidĂ©os, virales, dâinfluenceurs, mais aucune nâa Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©e politiquement ni par Marine Le Pen, ni par Ăric Zemmour. Aucun des deux candidats nâa ainsi repris Ă son compte cette vidĂ©o de lâinfluenceur MickaĂ«l Vendetta, jadis inventeur du concept de la « bogossitude », qui prĂ©conisait lâutilisation dâun aspivenin en cas de vaccination contrainte.
« Câest ça la rĂ©alitĂ©, faut (sic) aussi le dire »
En terminant sa rĂ©ponse de la sorte, Emmanuel Macron insulte bien Ă©videmment des millions dâĂ©lecteurs â rappelons que ce nâest pas lĂ son coup dâessai. Mais il insulte surtout la vĂ©ritĂ©. En « faisant du Donald Trump », agitant des affirmations infondĂ©es, aux dĂ©pens de tout bon sens, Emmanuel Macron fait basculer sa campagne Ă©lectorale dans lâĂšre de la post-vĂ©ritĂ©. « Il est temps de se rĂ©veiller », clame le compte Twitter Macron2022 en complĂ©ment de cette vidĂ©o. Peut-ĂȘtre sâadressait-il non pas au lecteur, mais au prĂ©sident de la RĂ©publique ?